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Naviguer de Plymouth jusqu'à l'ouest du Groenland ou du nord de l'Écosse jusqu'à la latitude 80° N., au-delà du Spitzberg, en affrontant des mers tempétueuses et le risque de glaces, constituait un énorme défi. L'avoir fait sur un bateau de 6,20 mètres, avec cent jours de vivres et d'eau, est une démonstration magistrale de navigation minimaliste. Mais l'auteur profite aussi de ce moment hors du temps pour une réflexion philosophique sur l'égarement, la solitude et l'humanité.
« Regarder un albatros, ce n'est pas seulement voir un oiseau ; c'est aussi sentir le poids de siècles de traditions maritimes. L'albatros est un symbole autant qu'un être vivant. Il évoque tout à la fois la maîtrise des océans et la culpabilité de l'homme. Il nous élève de sa puissance, mais, pendu à notre cou, il nous fait plier sous la connaissance de nos propres folies...
Aucun autre oiseau ne peut provoquer une réaction aussi complexe. L'albatros est innocence et reproche, à parts égales. Il nous montre ce à quoi nous aurions pu aspirer et nous rappelle comment nous y avons échoué. Et dans ce nouveau siècle inconfortable, alors que nous continuons à les tuer, il symbolise, dans un silence éloquent, notre folie collective. »
« L'austérité dépouillée de cette vie océanique était loin d'être une épreuve. C'était pour le moins une libération que la vie soit ainsi réduite, purement et simplement, à une suite de tâches répétées indéfiniment : manger, naviguer, veiller, écrire, penser. Quant à l'inévitable lenteur de notre progression autour du monde, j'étais convaincu depuis longtemps qu'aller vite ne sert pas à grand- chose. Plus on lambine, plus on voit de choses, plus on a le temps et l'envie d'examiner ce que l'on voit et on peut même y apprendre. »