Je suis en deuil Pierre Filoche
Pierre Filoche revisite le « Roman du deuil » en habillant les oripeaux de la tristesse et de la mélancolie avec une ironie légère, un humour cinglant. Et c'est finalement la petite musique de la vie qui l'emporte.
Le lit était dans la pénombre ; le corps de Cassandre blanc et gracile.
- Tout le monde baise, dit-elle tristement.
Je me mets à rire.
- Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre en attendant la fin du monde ?
- Je suis vierge.
Sa touffe était minuscule. Un point d'exclamation inquiet. Sa peau claire.
- Je vous attendais.
Je proteste avec nonchalance.
- Je ne suis pas au mieux.
- Je veux être une femme.
Ce n'était pas une question, je n'avais pas à répondre. Je suis resté interloqué, bouche ouverte, le sang à la tête. Elle ne s'intéressait pas à mes hésitations, ni à mes rêves. Nous nous croisions là, au point exact et brut du désir. J'aurais aimé lui montrer moins d'intérêt, ne pas profiter de l'occasion, en gros j'étais barbouillé par une culpabilité imbécile.
- Je suis en deuil.
- Condoléances... Déshabillez-vous...