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Un des axiomes les plus caractéristiques du conformisme politique à notre époque, c'est le congédiement de tout mouvement de contestation de l'ordre établi comme «purement négatif», «uniquement critique», «sans propositions alternatives». Or, ce qui fait la force de ces mouvements c'est précisément cet instinct intraitable de révolte, cette disposition d'insoumission. Sans ce sentiment viscéral de refus, aucune justice n'est possible, car aucun dissensus à l'égard d'un ordre injuste n'est même plus imaginable. En réalité, négativité et utopie sont dialectiquement inséparables. On ne peut critiquer la réalité sociale sans avoir, implicitement ou explicitement, un paysage de désir, l'image, même abstraite, même purement négative - «image dialectique» (Adorno) ou «image souhait» (Bloch) - d'une réalité différente, c'est-à-dire une utopie. Et inversement : il ne peut exister d'utopie authentique sans le travail de la négativité, sans cette «science sublime des âmes simples» (Rousseau) qui, au niveau même de la conscience, est déjà «critique radicale de tout ce qui existe» (Marx). C'est en partant de cette hypothèse qu'il peut s'avérer fructueux de confronter l'oeuvre de deux des plus importants penseurs de la théorie critique du XXe siècle : l'auteur de L'Esprit de l'Utopie (1923) et celui de Dialectique négative (1966). Malgré leurs indéniables divergences théoriques, politiques et épistémologiques, il existe entre les deux penseurs un rapport de réciprocité, qui est mis en évidence par plusieurs des essais ici rassemblés. L'un des objectifs de ce numéro d'Europe est de proposer, par la mise en regard des thèses de Bloch et d'Adorno, un dépassement de certaines approches binaires, antidialectiques, qui opposent non seulement la négativité à l'utopie, mais aussi la littérature à la philosophie, les Lumières au Romantisme, l'éthique à la poésie, l'optimisme au pessimisme.