Clinique de l'origine

D'où viennent les enfants ? C'est la question impossible par excellence. Quel rapport entre sexualité et procréation, entre procréation et gestation, entre gestation et naissance ? Qu'est-ce que la différence des générations ? la différence des sexes ? Toutes ces questions restent sans réponse si ce n'est les fictions que chacun construit, comme par exemple celles des théories sexuelles infantiles. L'enfant ramène donc au réel plutôt qu'à l'originaire, un réel impensable qui se trouve particulièrement révélé par les artifices des biotechnologies contemporaines mais aussi par tout ce qui peut venir marquer l'origine, comme la prématurité, l'abandon, l'adoption, ou tout autre mise en crise des conditions de l'origine.

En contrepoint, face à la béance de l'origine, on peut être pris par une fascination pour un destin joué d'avance qui vient programmer le sujet, comme dans la clinique du traumatisme, ou celle du suicide, ou lorsque le corps est en jeu comme dans l'anorexie mais aussi les phénomènes psychosomatiques.

Pourtant, l'énigme irrésolue de l'origine introduit paradoxalement une potentielle liberté, ouvrant un espace pour que l'enfant invente ses propres réponses, qui désorganisent et réorganisent du même coup ce qui le précède, d'une façon chaque fois unique.

Faisant de l'expérience du réel le principe d'un choix possible, dont seul le sujet va finalement décider, le psychanalyste engagé dans le champ de la clinique de l'origine se doit d'être un praticien de l'imprévisible : un tel pari permet d'aborder les frontières de ce qui ne se laisse pas toujours convoquer dans une pratique de la parole.