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Une vie pour les Parques
« Peu à peu, ses yeux perdus se fixèrent sur ce cortège. Il vit alors que ce n'était pas des déportés ordinaires. Certes, leur tenue n'était en rien différente de la sienne, mais ces hommes portaient tous des instruments de musique. Il lui fut difficile de croire qu'il ne rêvait pas. Ils se rangèrent sur un petit espace délimité tout près de la grille d'entrée, chacun bien raide derrière un tabouret. Il doutait que tout cet attirail rassemblé puisse réellement produire de la musique. Pourtant, devant les tabourets, il y avait aussi une quinzaine de pupitres de bois sommairement fabriqués. [...] Il avait beau chercher, il n'y avait rien dans ce qu'il avait vécu jusqu'à alors qui pouvait atteindre le degré d'absurdité de cet orchestre de Birkenau. Il allait certainement se répandre en hymnes nazis ou faire entendre des oeuvres chantant la gloire éternelle de l'Allemagne. Il s'en fichait. Peu importait ce qu'il allait entendre. De toutes les façons, il n'était pas envisageable pour lui que la musique, sa chère musique, sa compagne familière et brûlante, puisse être arrivée là. »
Auschwitz - Birkenau, été 1942. Dans l'antre monstrueux de la mort industrielle, des musiciens sont recrutés pour former un orchestre. La musique devient alors l'ornement du génocide : elle rythme la marche des déportés, s'invite pour les concerts du dimanche et s'offre aux dignitaires du camp lors de séances privées. À ces hommes qui la servent, elle accorde un sursis. Et quand l'orchestre des hommes de Birkenau se tait enfin, c'est dans la conscience meurtrie des survivants qu'elle prolonge sa résonance.