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La nation, frontière du libéralisme
Libre-échangistes et protectionnistes français, 1786-1914
« Liberté au dedans, protection au dehors, tels sont les éléments de la régénération. » C'est par cette formule lapidaire, qu'en 1814, à la chute de l'Empereur, Louis Becquey, en charge de la politique commerciale de la France, fixa un cap à la construction d'une nation bâtie sur le socle des richesses matérielles.
Le protectionnisme était devenu la ligne générale de la nation.
Il avait pris naissance dans un patriotisme révolutionnaire hostile à l'Ancien Régime tenté par le libre-échange. Réponse à la menace d'une hégémonie de l'Angleterre, il appelait à « mobiliser les bras » et conjuguer sans contradiction le culte de la liberté et celui de ses limites.
Loin d'être un obstacle au libéralisme, la ligne de douane a longtemps dessiné l'espace dans lequel les manufacturiers acceptèrent de prendre les risques du marché. Quand elle devint une entrave au développement, l'État, convaincu qu'il n'existait pas d'harmonie spontanée entre les intérêts privés et l'Intérêt général, la fit céder au profit d'une ouverture sur le grand large. La Troisième République confondit d'abord le libre-échange avec les libertés retrouvées. Mais, face à la menace du boulangisme et à celle d'une nouvelle mondialisation, elle se rallia au « protectionnisme rationnel » de Jules Méline, condition alors de la cohésion politique des Français et tranchée profonde de la défense de la République.