Quelle prodigieuse aventure que l'existence du duc de Morny ! Sa personnalité d'abord : aux manières raffinées d'un grand seigneur, il joint l'audace, l'esprit d'entreprise et, disons-le, l'absence de scrupules d'un arriviste. Rien n'est banal dans son destin, à commencer par sa naissance, entourée de ténèbres épaisses car c'est un enfant de l'amour. Et pas n'importe quel amour : de celui d'une reine (Hortense) et d'un général d'Empire, tandis que dans ses veines coule le sang de sa grand-mère, l'impératrice Joséphine, et de son grand-père, Talleyrand, qui fut le plus roué des politiciens. Comment, avec un tel atavisme, Morny n'aurait-il pas hérité du sens du complot en même temps qu'il se sentait pousser les ailes de l'ambition ? Artisan du coup d'Etat du 2 décembre 1851, il poussera son demi-frère Napoléon III vers le trône, tout en multipliant lui-même les activités les plus diverses : ministre de l'Intérieur, président de la Chambre, ambassadeur, auteur dramatique, spéculateur, créateur de la plage de Deauville et de l'hippodrome de Longchamp, il ouvrira à la France les portes de l'économie moderne en favorisant l'extension du crédit bancaire et l'éclosion du chemin de fer.
Par toutes les «affaires» qu'il entreprit, par le rôle politique et mondain qu'il joua, Morny fut véritablement le «roi» du Second Empire.