Le Pont aux trois arches
Un épileptique dont on interprète les contorsions comme un message de Dieu, des rhapsodes ambulants colportant d'étranges ballades, des caravanes d'asphalte - marchandise du démon - qui traversent le pays, une main malfaisante qui détruit la nuit ce qui a été fait le jour, un emmuré : tels sont, racontés sous forme de chronique par le moine Gjon, les événements de mauvais augure qui entourent, en 1977, la construction d'un pont sur l'Ouyane maudite, dans le sud de l'Albanie.
Une nouvelle fois, Ismaïl Kadaré analyse le rapport légende-réalité : il démontre comment la légende peut être utilisée à des fins « perfides » - ici, pour camoufler un crime. Mais, chez ce maître de l'allégorie, les événements calamiteux du pont ne sont que la préfiguration d'un fléau plus terrible : l'invasion de l'Albanie par l'Empire ottoman, début d'une tyrannie qui durera plusieurs siècles.