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Comment un Grec de l'Antiquité voyait-il la Terre et plus généralement le monde ? On peut dire sans grand risque d'erreur que depuis Homère jusqu'au début de notre ère, l'image la plus répandue était celle d'une galette plate coiffée d'un hémisphère céleste, avec probablement en dessous d'elle un hémisphère symétrique. Existait-il quelque chose au-delà de cette sphère idéale ? Peu de gens se posaient la question. Quant à la Terre elle-même, on savait à peu près qu'elle comportait trois continents, mais on préférait la voir - pour des raisons politiques mais aussi logiquement satisfaisantes - partagée harmonieusement entre deux continents seulement, l'Europe et l'Asie.
Cette image était-elle aussi celle du monde savant ? Certains de nos contemporains seront sans doute surpris d'apprendre que, bien avant Magellan, Aristote écrit au IVe siècle avant notre ère que « La Terre est assurément sphérique » ; et l'idée qu'on puisse atteindre l'Inde en naviguant vers l'ouest depuis les colonnes d'Héraclès [Gibraltar] ne lui semble pas incroyable. Toutefois, l'accord ne régnait pas entre les « philosophes ». Certains prédécesseurs d'Aristote avaient de la Terre une tout autre image, parfois bien déconcertante ; et on sera sans doute étonné de voir qu'après lui, en dépit de remarquables progrès scientifiques, les géographes grecs et romains ne jugeaient habitable qu'un petit espace de l'hémisphère nord (en y intégrant l'Afrique !), et dessinaient en conséquence d'étranges cartes du monde.
L'étude menée ici fait découvrir parallèlement chez les Grecs deux représentations du monde : celle des savants, assez facile à retrouver d'après leurs écrits, et celle du peuple, moins étudiée, qui se lit pourtant clairement en filigrane dans les oeuvres littéraires, et parfois aussi dans les oeuvres figurées.