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« Mon père me manquait, mais à voir la silhouette de ma mère s'attardant sur le quai sans un bras pour la soutenir, sans une main caressante qui écrit sur la toile grise de son dos qu'il ne faut pas s'en faire, que le fiston va revenir vite, je lui aurais bien souhaité de retrouver un homme. S'il y avait une peine perdue d'avance, c'était celle-là ; elle allait s'accrocher à son deuil comme la misère sur le monde, maintenant qu'il était mort, son mari elle l'avait pour elle, rien que pour elle. Et puis, dans son monde on ne s'épousaille qu'une fois, on ne divorce pas, et quand la mort vient rebattre les cartes, on continue de jouer avec la mise d'avant, une chaise vide en face de soi.
Je suis parti en la plaignant un peu. Finalement l'armée avait du bon : en la voyant s'éloigner, immobile sur ce quai, j'avais de la peine pour elle. Au moins, ces départs étaient l'occasion de recueillir un brin d'affection. J'allais lui manquer ; je comptais. »
Jacques, enfant, a subi la guerre en Normandie. Envoyé en Indochine, l'absurdité du monde lui saute aux yeux. Comment vit-on la violence lorsqu'on est un homme simple aspirant à une vie calme ? Plein d'humanité et d'émotion, porté par une écriture enflammée unique, ce livre de Philippe Torreton est dans la lignée de son best-seller Même. Jacques à la guerre ou le roman de son père.