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Déclaration courante et consternante : «J'ai la haine.» Inutile de préciser de quoi et de qui, je hais donc j'existe.
La haine explose, radicale, elle fait table rase, quitte à finir dans une suicidaire haine de soi.
Elle fleurit sans limites, elle transit la planète : nous passons de l'âge de la bombe H à celui des bombes humaines. Manhattan 2001, Madrid, Beslan 2004, le désir de détruire prolifère.
Il n'y a plus d'équilibre de la terreur jadis réglé par les grands puissances. Le déséquilibre des terrorismes dissémine un pouvoir d'universelle nuisance à la portée du plus grand nombre.
Une haine si partagée est structurée comme un discours qui répond de tout, à tous : quand ça va mal, ne cherchez plus ! L'explication est formatée d'avance : c'est la faute au sexe, au fric et aux méchants impérialistes.
Partant en guerre contre la femme (qui perturbe le moi), les Juifs (qui pourrissent l'humanité) et l'Amérique (qui fomente un chaos général), la haine se pare des meilleures intentions. Ô paradoxe, son fracas se prétend gardien de notre paix.
La haine investit notre intimité, elle interroge chacun sur sa raison de vivre et d'aimer.
Avec une lucidité et une capacité d'anticipation qui dérangent, André Glucksmann ouvre la question philosophique numéro 1 du XXIe siècle : survivre c'est survivre à la haine.