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Dans ce deuxième tome du Journal (enfin publié dans sa version intégrale) nous retrouvons Virginia Woolf, greffière de sa vie, sous chacun de ses fascinants visages : la brillante épouse de l'éditeur Leonard Woolf, la journaliste passionnée de critique littéraire, la <<star>> du groupe de Bloomsbury, la londonienne qui va au concert ou sort s'acheter un chapeau, la campagnarde qui s'émerveille des couleurs d'un orage - et puis l'écrivain. L'écrivain a pris conscience de son génie et, tous les jours, <<après l'heure bénie du thé>>, s'installe à sa petite table de travail et s'empoigne avec sa page blanche pour écrire, écrire à en mourir La chambre de Jacob, qui marque un tournant capital dans son oeuvre, puis bientôt Mrs. Dalloway.
Entre les lignes du premier volume du Journal, il y avait des ombres, des silences, qu'il fallait savoir interpréter. Ici nous avons des pages hallucinantes où Virginia Woolf prend à bras-le-corps les démons qui l'assaillent et qui s'appellent d'abord migraines, insomnies, angoisses, pour devenir peu à peu les déchirements insoutenables des grandes crises dépressives. <<A tout moment>>, se dit Mrs. Dalloway, <<le monstre, cette horreur, pouvait bouger... Et toute la joie qui vient de la beauté, de l'amitié... semblait chanceler, branler et ployer comme si, vraiment, il y avait un monstre qui rongeait les racines>>.
Il était là, ce monstre, en effet, toujours présent, en contrepoint de ce que Virginia Woolf appelait <<les choses habituelles>> et qu'elle décrit si bien, une paire de souliers, les fleurs qui s'ouvrent, la chaleur d'une visite, le cri des oiseaux, l'appel d'un scarabée, ce qui faisait la trame des jours et à travers quoi une des plus grandes romancières de notre temps se révèle, émouvante souvent, passionnante constamment, fascinante toujours.