Nicolás Guillén s'est fait connaître en publiant le recueil Motivos de son, en 1930. En fusionnant de façon novatrice les thèmes, les sonorités et les rythmes de la musique afro-cubaine avec un langage poétique au classicisme sensuel et inspiré, il suscite l'admiration des écrivains, des critiques, des lecteurs, non seulement à Cuba, mais bientôt sur tout le continent américain.
Ce coup d'éclat l'installe aux yeux du monde comme l'un des meilleurs représentants d'une poésie métisse ou noire. Auteur d'une oeuvre typiquement cubaine, Guillén l'est indubitablement, mais il est surtout un poète à la parole universelle. Au fil des ans, ses élégies, ses poésies, évoquant le destin si violent de tant de nations latino-américaines, se feront de plus en plus sociales et engagées, incitant le peuple à la révolte contre toutes les formes d'injustice.
« Ombres que je suis seul à voir,
mes deux aïeux me font escorte.
Une lance à la pointe d'os,
un tambour de cuir et de bois :
mon aïeul noir.
Un gorgerin sur un cou large,
une grise armure guerrière :
mon aïeul blanc.
Pieds nus, torse de pierre
appartiennent au noir ;
pupilles de verre antarctique
appartiennent au blanc ! »