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Novembre 1943. Menacé en raison de ses activités clandestines, Paul Eluard doit quitter Paris : il trouve refuge en Lozère, à l'asile public de Saint-Alban, dirigé par Lucien Bonnafé et François Tosquelles. Malgré l'Occupation, un vent de liberté et d'humanisme souffle alors en ce lieu perché sur la Margeride, à plus de neuf cents mètres d'altitude. Le poète passera des mois caché parmi les aliénés...
Profondément bouleversé par son séjour à Saint-Alban, Eluard écrit ce long poème composé d'un prologue, de six portraits et d'un épilogue, qui restitue la mémoire encore vive de ses rencontres. Empreint d'une sincère empathie, ce texte fait résonner l'écho de voix distinctes : celle du poète face au mystère impénétrable de l'esprit perdu, « chantant la mort sur les airs de la vie », ou celle des fous en proie à des hallucinations, à des absences ou à de rares éclairs de lucidité.
Durant l'été 1945, Cécile, la fille d'Eluard, se rend à son tour à Saint-Alban, accompagnée de son futur mari, le peintre Gérard Vulliamy. Vivant au milieu des aliénés - une expérience qui, disait-il, avait pour toujours changé son regard sur les autres -, Vulliamy fait leur portrait. Ce livre donne à voir leurs visages, face au poème d'Eluard, dans un dialogue extrêmement poignant.
En 1946, il est tiré 786 exemplaires de l'édition originale, dans la collection « De Vrille », pour le compte des Editions Pro Francia. Longtemps épuisé, ce livre reparaît aujourd'hui chez Seghers, enrichi de deux textes de postface et agrémenté d'archives inédites.