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« En août 1920, après trois ans de séjour en Sibérie, je pus enfin rentrer en Europe. Une réhabilitation de la personnalité morale des souverains russes s'imposait. C'est le drame de toute une vie que je vais essayer de décrire, tel que je l'ai tout d'abord pressenti sous les dehors d'une cour fastueuse, tel qu'il m'est ensuite apparu pendant notre captivité, alors que les circonstances me permettaient de pénétrer dans l'intimité des monarques. »
Arrivé en Russie en pleine révolution de 1905 et reparti en pleine guerre civile, le Suisse Pierre Gilliard (1879-1962) partagea durant plusieurs années le quotidien de Nicolas II, de son épouse Alexandra, de leurs quatre filles et de leur fils hémophile, dont il devint officiellement le précepteur en 1943. Ce fin observateur qui photographiait volontiers la famille impériale et développa une pédagogie originale avec le tsarévitch Alexis n'en déplorait pas moins les erreurs de l'autocratie et l'influence de Raspoutine, mais il redoutait que la chute du tsarisme ne précipite le pays dans une sanglante anarchie.
La tourmente de l'histoire renforça les liens de Gilliard avec les Romanov, et c'est volontairement qu'il partagea leur captivité à Tsarskoïe Selo puis Tobolsk. Séparé d'eux moins d'un mois avant leur exécution, il eut bien du mal à regagner la Suisse avec la gouvernante des filles du tsar, Alexandra Tegleva, qu'il épousa. Il s'employa ensuite à dénoncer l'imposture de la fausse Anastasia de Berlin.