«Vous croyiez tenir entre les mains une surprenante chronique des démêlés franco-français en terre étrangère ? Détrompez-vous. Bien plus qu'une fenêtre sur la guéguerre d'opinion entre vichystes et gaullistes chez nos expatriés, il s'agit d'une radioscopie de notre inconscient collectif. Mehlman dénoue les fils de l'intrigue qui mettra aux prises existentialisme, structuralisme, thomisme et tous les ismes inextricablement concurrents du dernier demi-siècle, au moment et au lieu mêmes où ils se nouent, dans cette réduction indienne de l'intelligence et de l'art européens qu'aura été New York entre 1940 et 1945. [...] Dans cette ville debout, arrivent ceux dont ne veut plus la France couchée. Bon nombre de nos meilleurs anthropologues, théologiens, cinéastes, poètes, journalistes - de Pierre Lazareff à Jacques Maritain, d'André Breton à Maurice Maeterlinck en passant par Renoir, Claude Lévi-Strauss et Jules Romains - s'en sont donc allés rejoindre cette Arche de Noé qui, avec le plus bel échantillon de l'esprit du temps, recueillait pour ainsi dire la substance du patrimoine de l'humanité. [...] Mehlman nous fait toucher du doigt cet entre-deux, cette heure délicieuse et indécise, entre aurore et crépuscule, qui mêle les derniers feux de l'ex-centre du monde avec les premières lueurs d'un Empire tout fringant.»
Régis Debray