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Léon Bloy (1846-1917) ressemble à un prophète de l'Ancien Testament dénonçant les vices de la société qui l'entoure. Il ne cesse de lancer ses anathèmes contre la veulerie de ses contemporains, de fustiger leur matérialisme, leur incapacité de s'élever au-dessus des mesquineries quotidiennes et de concevoir un quelconque idéal. Pèlerin d'un absolu situé hors du temps, menant une vie non pas de moins (bien au contraire) mais de marginal bourru, Bloy a fini par devenir un étranger dans son propre pays, moqué, honni. Ses romans (La Femme Pauvre, Le Désespéré) et ses nouvelles (Histoires désobligeantes) n'ont d'abord été appréciés que par de rares lecteurs avertis. Quant à son Journal, auquel il a consacré les vingt-cinq dernières années de sa vie, il est resté totalement méconnu. Il s'agit pourtant d'un des textes majeurs de cette littérature autobiographique qui mène des Confessions de Rousseau au Journal de Gide. Avec une intransigeance et une violence qui n'ont pas leur pareil, Bloy retrace l'histoire de sa vie et de son œuvre, évoque ses rencontres, enregistre ses impressions de lecture, nous fait part de ses tentations, de ses colères, de ses doutes, de ses déchirements. Ce texte n'est pas seulement un document unique sur la Belle Epoque, mais aussi le cri d'un homme de douleur meurtri dans sa chair et dans son âme.
Robert Kopp