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Dans le salon de la princesse Mathilde, aux dîners Magny ou chez eux, les Goncourt côtoient tout ce que le Paris politique et littéraire compte de célébrités. Aussi leur Journel contient-il la plus étonnante galerie de portraits du XIXe siècle. Napoléon III : "Figure lourde", "homme dormant, morne, sinistre", "il a du conspirateur et du faiseur de coup d'état", "il a l'air d'une fausse pièce". Le prince de Galles, futur Edouard VII : "Un vrai filou", "un escroc, ne soldant jamais ses dettes de jeu". Thiers : "le représentant le plus complet de sa caste [...] ; c'est comme si la bourgeoisie, avant de mourir, se couronnait de ses mains". Renan : "Une tête de veau qui a les rougeurs, les callosités d'une fesse de singe." Flaubert : "Il a l'esprit gros et empâté comme son corps. Il voyage pour épater les Rouennais." George Sand : "Un sphinx ruminant une vache Apis", "une nullité de génie". Baudelaire : "Le Saint-Vincent-de-Paul des croûtes trouvées, une mouche à merde en fait d'art". Mallarmé : "Il faut le mettre à Sainte-Anne". Barrès : "un casuiste jésuite mélangé d'apothicaire ; Ignace de Loyola se combine chez lui avec le bromure de potassium". Portraits charges, dignes des grands caricaturistes de l'époque tel Daumier ou Gavarni ; portraits de moralistes, dans la tradition de La Bruyère "le premier écrivain de tous les temps". Le Journal des Goncourt est, avec celui de Jules Renaid, la chronique la plus virulente de la France et des Français au XIXe siècle.
Robert Kopp Professeur à l'Université de Bâle