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Les exploits guerriers et les mérites politiques de Turenne parlent d'eux-mêmes : adversaire ou allié des meilleurs généraux étrangers ou français pendant la guerre de Trente Ans, vainqueur en Flandre, libérateur de l'Alsace, soutien actif du pouvoir pendant la Fronde (en dépit d'un bref passage du côté des insurgés), il révéla un vrai tempérament de chef et se montra un tacticien prompt à la décision, un stratège bien renseigné et imaginatif, un «entrepreneur de guerre» très attentif aux questions d'intendance. Aussi ses compagnons d'armes, ses amis de la Cour et de la Ville, puis les plus grands penseurs militaires (Napoléon et Clausewitz, rien de moins) n'ont-ils pas tari d'éloges sur son compte.
Etait-il bien utile, comme on l'a longtemps voulu, de rehausser son éclat en faisant de lui un gentilhomme d'obscure extraction parvenu au faîte des honneurs par ses seules victoires ? Grand seigneur, Turenne est au contraire représentatif de l'évolution politique, sociale et mentale subie par tout un milieu : de très haute noblesse et allié aux lignées princières les plus huppées d'Europe du Nord, il n'eut de cesse d'accroître la puissance et le rang de sa Maison ; né huguenot, il se convertit sur le tard, séduit, comme beaucoup de Grands, par la Contre-Réforme.
Figure singulière donc, mais également exemplaire que celle de Turenne, incitant l'historien à replacer les guerres du XVIIe siècle et le récit des campagnes dans leur contexte : montée du pouvoir royal et de la bureaucratie de gouvernement, mise au pas de la haute aristocratie, reprise en main religieuse, nouvelle donne diplomatique et stratégique. Cette biographie s'inscrit par conséquent dans le double registre de l'histoire militaire élargie à la géopolitique et de l'histoire sociale. Elle infuse un sang neuf à l'«histoire-batailles».