Le mensonge indispensable : du trauma social au mythe

Longtemps en Occident les mythes n'ont pas eu bonne presse, notre approche rationaliste les réduisant à de purs et simples mensonges. Mensonges peut-être, mais mensonges indispensables. Ainsi en est-il de Clovis par exemple et du mythe d'une identité française parfaitement pure depuis quinze siècles. Cette fiction a fourni des repères rassurants à ceux que désorientait l'affaiblissement de l'Etat-nation sous l'effet de l'internationalisation. Parallèlement l'exploitation de cette contre-vérité manifeste par des hommes d'Eglise et des politiciens n'a pu que compromettre la nécessaire prise de conscience des transformations de notre société.

Cet exemple illustre la redoutable ambiguïté du mythe. Il n'a besoin ni de pourfendeurs ni d'apologues, mais d'une compréhension de sa part de lumières et de sa part d'ombres. Si le mythe efficace est nécessairement passager, il est dans tous les cas nécessairement mensonger, car nul n'est capable d'accepter sur-le-champ une réalité catastrophique. Avec des succès divers, il aide les individus à assimiler les expériences difficiles qu'ils partagent et participe à la genèse et à l'équilibre des liens sociaux.