Nous tenons pour tout à fait normal que la fille de quatre
ans pleure douloureusement quand une de ses poupées se
casse, qu'elle pleure à six ans quand la maîtresse lui fait une
réprimande, à seize ans quand son bien-aimé ne se soucie
pas d'elle, à vingt-cinq ans peut-être quand elle enterre un
enfant. Chacune de ces conditions de douleur a son temps
et s'éteint une fois celui-ci écoulé ; les dernières, définitives,
se conservent alors pour toute la vie. Mais nous serions
frappés si cette fille, étant femme et mère, pleurait sur une
babiole abîmée. C'est pourtant ainsi que se conduisent les
névrosés. Dans leur appareil animique, toutes les instances
visant à la maîtrise des stimuli à l'intérieur de vastes frontières
sont depuis longtemps mises en forme, ils sont suffisamment
adultes pour satisfaire eux-mêmes la plupart de
leurs besoins, ils savent depuis longtemps que la castration
n'est plus pratiquée en tant que punition et pourtant ils se
conduisent comme si les anciennes situations de danger
subsistaient encore, ils restent attachés à toutes les conditions
d'angoisse antérieures.