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Proust et les signes
Le mot « signe » est un des mots les plus fréquents de la Recherche,
notamment dans la systématisation finale qui constitue le Temps retrouvé.
La Recherche se présente comme l'exploration des différents mondes de
signes, qui s'organisent en cercles et se recoupent en certains points. Car
les signes sont spécifiques et constituent la matière de tel ou tel monde.
On le voit déjà dans les personnages secondaires : Norpois et le chiffre
diplomatique, Saint-Loup et les signes stratégiques, Cottard et les
symptômes médicaux. Un homme peut être habile à déchiffrer les signes d'un
domaine, mais rester idiot dans tout autre cas : ainsi Cottard, grand
clinicien. Bien plus, dans un domaine commun, les mondes se cloisonnent :
les signes des Verdurin n'ont pas cours chez les Guermantes, inversement le
style de Swann ou les hiéroglyphes de Charlus ne passent pas chez les
Verdurin. L'unité de tous les mondes est qu'ils forment des systèmes de
signes émis par des personnes, des objets, des matières : on ne découvre
aucune vérité, on n'apprend rien, sinon par déchiffrage et interprétation.
L'œuvre de Proust n'est pas un exercice de mémoire, volontaire ou involontaire, mais, au sens le plus fort du terme, une recherche de la vérité qui se construit par l'apprentissage des signes. Il ne s'agit pas de reconstituer le passé mais de comprendre le réel en distinguant le vrai du faux.
Gilles Deleuze, lecteur de Proust, est aussi l'interprète de Bergson, Nietzsche ou Spinoza. L'intelligence de l'œuvre est certes un plaisir de l'esprit ou une dégustation des sens. Elle est aussi un chemin de la connaissance.