Trois personnages se rencontrent pour réfléchir sur les différentes
manières de s'approcher de la vérité : Eudoxe, bomo quoerens, le sage
qui se détache du savoir de ses précepteurs pour ne faire confiance
qu'aux données de la lumière naturelle ; Epistemon, son antagoniste,
un docte qui a lu tous les livres et fonde son savoir sur l'autorité
(Aristote), mais disposé au dialogue ; et Poliandre, un jeune qui n'a
pas étudié aux Collèges, vrai centre de gravité de l'oeuvre et dont les
discours sont fondés sur la raison et sur l'expérience.
L'itinéraire suivi par Eudoxe pour détruire les conceptions de son
antagoniste prône un élargissement du doute jusqu'à entamer les
sensations apparemment les plus indéniables (c'est le procédé du
«résidu de vérité» cher à M. Foucault) et la «déstructuration» de
la logique traditionnelle (arbre de Porphyre, syllogisme, principe
de contradiction). De ces ruines, naît une pensée - comparable à
celle proposée par les Reguloe -, qui mène à un savoir fondé, loin de
la cohérence formelle du discours, sur l'immédiateté de l'acte de la
raison et de l'expérience des choses.
La Recherche de la Vérité par la lumière naturelle, seule oeuvre dialogique
de René Descartes, bien qu'inachevée, constitue l'un des
textes cartésiens parmi les plus vifs et pénétrants qu'il ait écrits ;
y apparaît toute la modernité d'une philosophie très proche du
scepticisme moderne de Montaigne.