La philosophie a-t-elle quelque chose à dire sur le monde contemporain ? Peut-elle intervenir dans des débats publics pour contribuer à éclaircir leurs enjeux et aider à mieux définir les conditions d'une réponse ? La série «Intervention philosophique» a pour ambition de montrer que l'on peut répondre positivement à ces deux questions. Il n'y a pas de philosophie sans exercice de la raison. Mais outre ses usages spéculatif et pratique, la raison philosophique a également une fonction de critique publique. C'est cet effet public de la philosophie qu'il s'agit de restituer par la publication de textes prenant position sur des questions d'actualité.
Depuis 1991, une polémique fait rage sur l'art contemporain. Les accusateurs s'en prennent aux impostures ou aux hermétismes des héritiers de Duchamp et de Warhol. Leurs adversaires défendent les valeurs d'une avant-garde vieille de 150 ans.
Cette crise est l'indice d'un malaise irrémédiable touchant le rôle de l'art dans nos sociétés.
Nous vivons la fin de l'utopie de l'art, c'est-à-dire la fin d'une croyance dans les pouvoirs de critique, de transfiguration et surtout de communication de l'art. Quand la culture devient un monde séparé destiné au loisir, quand les valeurs de la démocratie remettent en cause la déférence forcée du public pour les goûts de l'élite, quand il ne peut plus y avoir ni prophètes ni mages, il reste la comédie de l'avant-gardisme d'Etat s'efforçant en vain de produire administrativement du sens.
Cela n'empêchera pas les artistes, ceux qui sont «bons-qu'à-ça» (Beckett), de faire ce qu'ils ne peuvent s'empêcher de faire. L'art est en crise ? Adieu les gestionnaires des avant-gardes ! Place, de nouveau, aux artistes !