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Si vous vous jetez dans un précipice sans avoir vérifié que l'élastique était bien attaché, croyez-vous qu'un matelas va apparaître tout au fond ? C'est ainsi que beaucoup s'imaginent que fonctionne la Providence : je fais n'importe quoi, et « tout s'arrangera ».
En fait, Dieu a déjà donné. Au bout de tout un processus, partant du Big Bang et passant par la naissance de la vie et son évolution, Il a commencé par créer un vivant doté d'assez de jugement pour ne pas prendre de risques inutiles.
Selon Rémi Brague, qui s'inspire ici d'intuitions de Thomas d'Aquin, c'est ainsi que Dieu procède envers tout ce qu'il a créé. À chaque être, Il donne d'emblée ce dont il a besoin pour atteindre le bien qui lui convient, et pour l'atteindre par lui-même.
À l'élément, Il donne assez de consistance pour qu'il reste ce qu'il est, là où il est. À la plante, de quoi tirer sa nourriture du sol et du soleil. À l'animal, l'instinct qui lui fait assurer sa survie et la reproduction de son espèce.
Dans chaque cas, Il donne une latitude plus grande de mouvement : la plante croît ; l'animal se déplace ; l'homme, qui subsiste comme une personne libre et intelligente, peut accumuler son passé en une mémoire et se construire une histoire.
Avec l'homme, où culmine la liberté, la providence devient prudence, sagesse pratique. Chez Dieu, elle devient économie du salut. Là où l'homme a blessé sa liberté et perdu la force de voir clairement son bien et d'en vouloir vraiment les moyens, Dieu combine de quoi libérer la liberté de l'homme en la retournant de l'intérieur.