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Le principe sécurité
« Sécurité publique », « sécurité alimentaire », « sécurité énergétique », « sécurité des frontières » : la sécurité constitue aujourd'hui dans tous les États un Principe régulateur, c'est-à-dire, confusément et tout à la fois, un sentiment, un programme politique, des forces matérielles, une source de légitimité, un bien marchand, un service public.
Ce Principe est le fruit de quatre acceptions historiques : la sécurité comme état mental, disposition des grandes sagesses stoïciennes, épicuriennes et sceptiques à atteindre la fermeté d'âme face aux vicissitudes du monde ; la sécurité comme situation objective, ordre matériel caractérisé par une absence de dangers (c'est l'héritage du millénarisme chrétien) ; la sécurité comme garantie par l'État des droits fondamentaux de la conservation des biens et des personnes, voire comme bien public (surveillance, équilibre des forces, raison d'État et état d'exception) ; la sécurité comme contrôle des flux à notre époque contemporaine, avec ses concepts nouveaux : la « traçabilité », la « précaution », la « régulation ».
Loin d'être des acceptions successives, ces dimensions sont des « foyers de sens », toujours à l'oeuvre conjointe - la tranquillité du Sage ne dépend plus de techniques spirituelles mais d'un bon gouvernement et d'un État fort ; les ressorts millénaristes ont été recyclés par les révolutions totalitaires du XXe siècle ; la tension s'est installée entre la sécurité policière et la sécurité juridique, entre la sécurité militaire et la sécurité policière qui prétend, à son tour, combattre « l'ennemi intérieur » ; la biosécurité et ses logiques de sollicitations permanentes - être toujours et partout accessible, réactif - sont à l'opposé de l'idéal antique de la stabilité intérieure ; tandis que la sécurité du marché impose un démantèlement de l'État-providence, des politiques de santé publique et des logiques de solidarité : la sécurité-régulation se substitue à la sécurité-protection.
Pour finir, le Principe Sécurité se définit toujours par une retenue au bord du désastre.