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Dada avant, pendant et après Dada, Francis Picabia (1879-1953) avance masqué, préfère la volte-face au fond des impasses aux voies toutes tracées. Manipulateur éclectique, inclassable, laissant voisiner les chefs-d'œuvre et les croûtes, il désespère les spécialistes.
Clown et dandy, «intoxiqué, dit-il, par l'abus d'automobiles», collectionneur de femmes et de yachts, agent double de l'art à l'ère de sa reproduction mécanique, esthétiquement et politiquement parfaitement incorrect, accumulant les succès faciles et les échecs retentissants, Picabia, lucide, pessimiste et prolifique, volontiers chic et toc, profanateur et martyr, bataille à dépecer la peinture, s'emploie à décevoir et ruine sa réputation d'élégance et de virtuosité.
Déshonneur des beaux-arts, ses mauvaises manières et ses surenchères cyniques réjouissent aujourd'hui les artistes. L'art n'est décidément pas un long fleuve tranquille, mais une formidable course d'obstacles encombrée de faux-semblants et piégée de chausse-trapes, le contraire d'un parcours sans faute, les éclats du miroir brisé, les écarts d'un semeur d'étoiles.