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Aujourd'hui considéré comme un des plus beaux prosateurs japonais, Ihara Saikaku (1641-1693) n'a pas obtenu sans peine cette réputation.
C'est qu'il créa au Japon un genre neuf, le conte réaliste en prose (ukiyo-zôshi), qui décrit de façon piquante, et nous dirions peut-être libertine (mais nous aurions tort), les moeurs amoureuses de son temps. Une classe nouvelle, celle des commerçants et bourgeois propriétaires, les chônin, prospérait alors sous un shôgunat pour un temps libéral et dont la morale était : «Enrichissez-vous.» Mais les moeurs sexuelles demeuraient féodales. Si les hommes trouvaient quelques compensations chez les prostituées raffinées, les femmes étaient condamnées à la fidélité ou à la mort ignominieuse.
A l'exception du cinquième, chacun de ces récits conte l'histoire aventureuse et cruelle d'un couple d'amants que l'ordre social finit par briser, mais qui du moins, quelques jours ou quelques mois durant, auront aimé, auront vécu. Si le dernier par un miracle tourne bien, c'est que l'auteur veut laisser entendre qu'un jour sera fini l'infini servage de la femme. Du lupanar au couvent, des campagnes aux troupes de comédiens, voici pour nous, traduit et richement annoté par M. Bonmarchand, aussi amusant qu'émouvant, tout un tableau du Japon shôgunal.