Dans les années 1960 et 1970, la DDASS de la Réunion a transféré en métropole des centaines d'enfants abandonnés ou retirés à leurs parents. Ils étaient alors confiés à des familles ou à des institutions, sans qu'aucun voyage de retour ne soit prévu. Ce transfert a été un échec : la grande majorité a souffert du déracinement, de la solitude, du racisme, du chômage.
Quarante ans plus tard, des anciens pupilles ont intenté un procès retentissant à l'État. Faut-il, comme eux, relier cet épisode aux pages les plus noires de l'histoire de France, l'esclavage et la déportation ? Ce transfert d'enfants incarnerait-il un néo-colonialisme qui n'ose pas dire son nom ?
L'artisan de cette opération, Michel Debré, s'inquiétait de l'explosion démographique qui menaçait l'île, mais il avait surtout l'ambition d'intégrer la Réunion à l'ensemble national. Dès lors, une inquiétante conclusion se dessine : la migration des pupilles réunionnais, avec la somme de souffrances qu'elle a engendrée, a été entreprise parce qu'elle était conforme à l'idéal républicain.