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Les grandes renommées sont parfois trompeuses. De même que la légende de Montaigne enfermait celui-ci dans sa tour, le liant à ses carnets intimes et à ses Essais, au point de faire oublier ses chevauchées au service du bien public, la postérité aura surtout fait de Stendhal l'explorateur implacable du coeur humain, enfermé quelque part entre le salon de La Mole et le couvent de Fabrice. Or c'est peu dire que, de cet immobilité, il s'échappa souvent. Et magnifiquement.
Le récit très «enlevé» de Jean Lacouture nous restitue un Stendhal rien moins que sédentaire. Il nous met sur les traces de l'écrivain français le plus continûment et follement jeté sur les routes d'Europe. C'est le Beyle voyageur que nous découvrons ici, l'écrivain de génie parcourant le continent, de la Prusse à l'Italie. Ce voyageur-là va d'enchantement en illumination et d'amours passionnées - d'Angela, la «catin sublime», à Mina de Griesheim -, découverte de Mozart qui est pour lui «la quintessence de l'âme du Nord». Ce Stendhal prit une part si active - et dangereuse - à la retraite de Russie, sur les traces de Napoléon, qu'on peut faire de lui le plus «aventurier» de tous nos romanciers. À l'auteur du Rouge et le Noir, on doit sans doute les plus profondes descriptions du coeur humain. Mais il a vécu comme un héros d'Alexandre Dumas.