Martyrs de Pascal Laugier : mélancolie du chaos

Sorti en 2008, Martyrs est un film coup de poing, à la violence sèche, une fiction d'horreur « totale » (torture porn, cyberpunk, rape and revenge, film de fantôme...) qui, après une campagne virulente menée par des détracteurs, a failli être interdit aux moins de 18 ans. Le temps a fait son office, et le long métrage de Pascal Laugier est désormais considéré comme un joyau noir de la production de genre française. Frédéric Astruc dégage ce qui fait la force de Martyrs, entre héritages visibles et enjeux inédits. Écrin mortuaire abritant un chaos de scènes archaïques qui révèlent notre monde à la manière d'un rayon de ténèbres, cauchemar sans fin et sans issue qui horrifie autant qu'il fascine, le film livre une expérience rare, très physique, semblable à un trip ou un shoot mais sans contrepartie toxique. Si les images sont « obsédées » par certaines images d'archives, jouent avec les représentations biaisées d'une société bien-pensante et néolibérale, elles portent surtout en elles une puissance transgressive, jamais complaisante, qui plonge le spectateur dans un inconfort essentiel.

Aux analyses, Frédéric Astruc adjoint un long entretien réalisé avec Pascal Laugier qui revient sur l'élaboration à part qu'a constituée Martyrs, qui raconte comment il est parvenu à aller au bout de son propos, aussi radical soit-il. Le film apparaît ainsi comme la pierre angulaire du travail du réalisateur de Ghostland, l'expérience matricielle à partir de laquelle tout se déploie.