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Souvent confondus sous le terme polémique de Judenrat, les conseils placés par les Allemands à la tête des communautés juives de l'ensemble de l'Europe occupée ont-ils été des machineries impeccables autant qu'implacables, transposables dans tous les pays avec la même efficacité ? Précocement expérimenté à Vienne en 1938, le modèle autrichien du Judenrat domine les localités juives de Pologne où les situations sont cependant diverses. Ce modèle du Judenrat est ensuite transposé par les Allemands en 1941 aux communautés juives de Salonique, des pays baltes et des territoires soviétiques envahis, puis, en mars 1944 aux communautés juives de Budapest quand s'enclenche l'extermination des Juifs de Hongrie. Mais ce modèle ne correspond pas à la situation qui prévaut en Europe occidentale, si l'on excepte le cas d'Amsterdam.
Depuis plus d'un demi-siècle, le sujet est un enjeu de mémoires, souvent relayé par des articles, des ouvrages polémiques, voire des procès. Ils visent des «notables» juifs présumés «collaborateurs» : mais ce terme, qui implique un choix idéologique et une marge de négociation entre vainqueurs et vaincus, est-il pertinent quand il s'agit des Juifs ? Ces dirigeants étaient-ils étrangers à leurs communautés, étaient-ils «créatures» des nazis ? Placés à la tête des oeuvres d'assistance, avaient-ils un programme ? Pouvaient-ils être accusés d'avoir sciemment aveuglé leurs coreligionnaires au sujet des préparatifs de l'extermination, voire, pour prix de leur propre survie, de les avoir livrés ? Après guerre, de nombreux jurys d'honneur ont mis en cause des dirigeants de Conseils juifs (Amsterdam, Bruxelles, Paris, Europe centrale et Israël, même lors du procès Kasztner de 1955). Périodiquement relancées, ces accusations portent la marque d'un débat éthique dont la philosophe Hannah Arendt s'était fait l'écho au moment du procès Eichmann en 1961.