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« J'ai vu pas mal de choses dans ma vie. Une fois j'allais chez ma mère pour y passer quelques nuits. En arrivant sur le seuil, j'ai jeté un coup d'oeil et je l'ai vue, assise sur le canapé, en train d'embrasser un homme. C'était l'été. La porte était ouverte. La télé était allumée. Voilà une des choses que j'ai vues. »
Monsieur le Bricoleur
Raymond Carver a quarante-trois ans lorsque Parlez-moi d'amour (What We Talk About When We Talk About Love) paraît aux États-Unis.
L'éditeur Gordon Lish, qui est alors un des gourous de la scène littéraire new-yorkaise, a déjà fait publier plusieurs de ses nouvelles dans le magazine Esquire. Voyant en Carver la promesse d'un immense écrivain, il s'est emparé de son manuscrit et l'a réduit de moitié. En quelques années, Carver devient une des stars de la littérature américaine. Il rafle tous les prix, enseigne à l'université et exerce sur une génération entière d'écrivains - aux États-Unis comme à l'étranger - une influence décisive. Mais sa gloire repose en partie sur un malentendu. Pourtant, il suffit d'ouvrir Parlez-moi d'amour pour que la magie opère à nouveau. Une fois encore, ce style si dépouillé qu'il en devient presque invisible fait résonner des voix désormais familières : un homme sans mains, une femme divorcée et son ex-mari, quatre pêcheurs surgis du néant, personnages ordinaires nimbés de mystère, illustrations parfaites de ce « réalisme des lointains » qu'invoquait la grande Flannery O'Connor. Par-delà les années, en dépit des aléas de la comédie littéraire, ce livre continue d'illuminer de sa beauté énigmatique les dernières décennies du XXe siècle.