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Ruth Klüger nous avait livré le récit de sa jeunesse dans Refus de témoigner (Éd. V.H., Prix Mémoire de la Shoah 1998). Déportée à onze ans, échappée miraculeusement d'Auschwitz, elle s'exilait à seize ans aux États-Unis.
Dans Perdu en chemin, on la découvre, adulte, confrontée au quotidien des années 50. Elle sera de celles qui se battront sans répit pour obtenir ce qui paraît le minimum : la dignité, le respect, la simple reconnaissance de soi. Sa vie est « banale », mariage, maternité, divorce. Mais elle écrit : « Quand ce fut fini, j'eus l'impression de sortir du freezer pour enfin décongeler. »
Devenue une germaniste réputée, elle est invitée en Europe, donne des conférences en Allemagne, est nommée Docteur honoris causa de l'université de Göttingen. Pourtant, elle poursuit le débat avec elle-même : quels sont les mécanismes de la mémoire individuelle et collective vis-à-vis des horreurs du passé, de leurs victimes, auteurs et témoins ?
Le fil du récit est la discrimination constante et intimement ressentie, mais aussi celui d'une double émancipation : celle d'une Juive et celle d'une femme.
Prosaïques à dessein, certaines pages fascinent par l'exactitude des sentiments exprimés ; constat et accusation s'interpénètrent. Ce qui semble d'une susceptibilité excessive émeut l'instant d'après par une lumineuse exigence d'équité.
Et l'on est submergé par la sincérité généreuse de cette femme à l'intelligence souveraine.
« Dès son titre, le livre annonce les pertes de cette vie. Ce qu'elle n'a pas perdu en chemin, c'est la conviction que rien n'est plus évident que de défendre ses droits. C'est en cela que réside le triomphe de Ruth Klüger. »
Frankfurter Allgemeine Zeitung