Chroniques de l'étrange

A l'issue de la lecture de ces Chroniques de l'étrange, écrites par un brillant lettré du XVII^e siècle, il n'est de lecteur qui n'échappera au sentiment d'avoir perçu une voix unique en son genre.

Cette oeuvre est un monument. Monument d'une vie consacrée à la compléter et à la parachever, monument littéraire jamais encore traduit dans son intégralité. Cinq cent trois histoires d'une diversité étourdissante qui explorent ce monde en lisière du confucianisme où surviennent prodiges, violences, désordres, génies, ensorcellements et métamorphoses. Car ces Chroniques de l'étrange, où Pu Songling recueillit sa vie durant les faits extraordinaires parvenus à sa connaissance, témoignent des bizarreries de la nature et s'animent de spectres, dragons sans yeux, renardes espiègles, dévoreurs de serpents, noces lunaires ou pluies de sapèques, pour mieux faire vaciller le réel et la logique humaine.

A travers ces contes fantastiques, c'est toute une société qui défile et prend corps, dans ses figures les plus humbles comme dans ses fonctionnaires au visage maquillé « comme une fleur qui cacherait des sentiments diaboliques ». La critique y est souvent mordante, la langue d'une concision et d'une finesse remarquables. Il faut plonger et se perdre dans cet univers peuplé de chimères et de sortilèges pour s'adonner aux plaisirs du rêve et de la transgression.