Kieslowski

Du témoignage engagé sur les luttes sociales en Pologne pendant les années 70 à la pesée subtile des balances sentimentales vingt-cinq ans plus tard, les films de Kieslowski représentent et éclairent la sensibilité contemporaine. Son chef-d'œuvre, le Décalogue, révèle un cinéaste à la fois fasciné par le réel et constamment aiguillonné par le désir d'en dépasser les apparences.

Son regard est une poétique, faite de correspondances et d'échos, de rapprochements visuels qui échappent aux liens convenus. C'est un regard de collages et de greffes, plus que de continuité logique. Il compose un monde de doute, d'insatisfaction, où se reflètent les incertitudes et les angoisses d'une Europe qui fuit ses passions dans les replis de l'intime.

Les visages y deviennent la seule échappée sereine, et les geste purs, au-delà de toute intention, le dernier refuge de personnages qui n'en veulent pas être. Les héroïnes de Bleu, de Rouge, de La Double Vie de Véronique sont ainsi filmées comme dans une tentative de dégagement constant, d'arrachement au monde. Œuvre difficile, le cinéma de Kieslowski ne se donne pas : il se laisse saisir, comme une fragile hypothèse.