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Avec cette anthropologie des voix David Le Breton continue son exploration du corps. Il nous propose une anthropologie paradoxale en ce qu'il ne s'agit plus ici d'écouter la seule parole humaine, mais aussi et surtout la qualité de sa formulation, ses vibrations, son grain, ses singularités et l'affect qu'elle implique. Si la voix est d'abord une matière physique, à peine émise elle devient un élément essentiel dans le déroulement de notre vie quotidienne et se mue en puissance d'expression pour cet autre en qui elle résonne.
La voix, c'est l'émotion, l'histoire, l'individu, ce sont ses éclats salutaires et son antithèse dramatique : le mutisme. La voix, c'est de la mise au monde, de la prise de pouvoir, de l'injonction, de la désignation, du sexe... Or la voix, comme le corps, s'écrit toujours au pluriel. Là où il y a de l'humain à portée de voix, il y a toujours de la mise en voix et parfois des "éclats" - obliger à se taire, interdire la voix est un des supplices les plus terribles qui soient, bien connu des systèmes totalitaires.
Et cette voix venue de nulle part, ces mots destinés à l'écoute s'approchent de nos bouches et prennent chair de et dans nos visages. Chanter, crier, siffler, chuchoter, parler, hurler gueule béante, notre souffle produit toujours des bruits qui font vibrer le néant et en se propageant créent l'espace. Le divin lui-même sort par la bouche pour donner des formes au monde et au cosmos. Dans notre société où la parole est de plus en plus objet de fantasme et sans frontières, cette anthropologie sensible et salutaire arrive à point nommé pour réaffirmer que le son transforme autant qu'il façonne.