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Mettre en forme une réalité, telle est la vocation de l'homme.
À cette pensée, Oskar Kokoschka sera, semble-t-il, reste fidèle sa vie durant, avec une conviction et une force de conviction inentamables. A travers l'expérience du front lors de la Grande Guerre, l'effondrement de son Autriche-Hongrie natale, les voyages, la saisie de ses toiles « dégénérées », l'exil, la Seconde Guerre mondiale, la naissance d'une gouvernance globale, la menace nucléaire : l'Autrichien, comme il se surnomme, qui fut surtout un Européen au sens fort et un témoin du siècle, n'a cessé d'affirmer le primat de la vision individuelle et spirituelle de l'artiste, chargé de donner forme à la figure humaine et à son monde.
Ces écrits sur l'art en témoignent. De sa première conférence de portraitiste sur la conscience des visions, dans la Vienne des années dix, à son Hommage à la Grèce à la fin des années soixante, en passant par son oeuvre de pédagogue dans son École du regard et sa célébration des sommets de l'esprit que furent pour lui l'art grec, les fresques de Pompéi, le baroque de Bohême, Rembrandt, Maulbertsch, Van Gogh, Munch ou encore Liebermann, le peintre ne se sera voulu ni plus ni moins que l'héritier et le continuateur d'une tradition qui est pour lui celle de l'humanité même, et en regard de laquelle tout l'art non figuratif ne serait qu'un tribut versé à notre aliénation à la technique, aux politiques totalitaires et à la pensée désincarnée.
Ses analyses sont érudites, radicales ; elles se veulent une défense et illustration de la culture à l'heure de la crise de la culture. Kokoschka y rejoint les penseurs du vingtième siècle, donc de notre présent.