Enquête sur les Hommes du Don
L'Affrontement des forces
Dans son précédent ouvrage, Le don de vie, Dominique Camus rapporte les difficultés et les épreuves qu'il dut surmonter lorsqu'une désenvoûteuse, rencontrée pour les besoins de la préparation de sa thèse d'ethnologie, décida de transformer le cadre de leur rapport et de faire de lui « un homme de connaissance ».
Au terme de plusieurs années passées à seconder son initiatrice, le chercheur concluait : « Il ressort que pour comprendre la sorcellerie il faut identifier le domaine dans lequel elle se joue et apprécier une définition originale du malheur. »
Celle-ci, notamment dans le monde rural, conduit parfois les individus à se trouver face à une affolante succession de maux. Soudainement les machines se détraquent ; les animaux se comportent anormalement, tombent malades et crèvent ; les personnes sont atteintes d'affections mystérieuses, rebelles aux thérapeutiques médicales les plus pointues et même à celles proposées par les prêtres exorcistes. Dès lors, vivre consiste à gérer l'angoisse du lendemain, ce jour où tout peut arriver, y compris le pire. Pour l'éviter, il n'y a qu'une seule solution : requérir les services d'un désenvoûteur, de quelqu'un qui ne craindra pas d'affronter le responsable de la situation : « de rabattre les sorts ».
Dans cet ouvrage, Dominique Camus décrit comment un désorceleur va tirer d'affaire un couple d'agriculteurs pris dans les filets d'un sorcier qui s'acharne à leur perte. L'auteur raconte par le détail les procédures et les rituels qu'emploie cet homme pour protéger ses clients et leurs bêtes, lever les sortilèges qui les affligent et, finalement, combattre son adversaire pour qu'il cesse définitivement ses maléfiques opérations.
Ce livre, qui nous fait découvrir de l'intérieur l'univers mystérieux de la sorcellerie, nous montre aussi comment l'ethnologue sera obligé de s'impliquer auprès des acteurs d'un drame qu'il va côtoyer quasi quotidiennement, deux ans durant, et la façon dont il s'y prendra pour maintenir entre eux et lui la nécessaire distance que requière la réflexion scientifique.
Si Dominique Camus avait bien compris auprès de Marie Languevelec que cela n'est pas chose aisée, il ne pouvait à l'avance imaginer que son nouveau mentor - Marcel Ménard - déciderait de faire de lui « un homme d'action ». Ce qui ne sera pas sans risque ni péril et ce qui le conduira très loin de ses modes habituels de pensée et de ses normes culturelles.