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Le premier numéro du mensuel Hara-Kiri paraît en septembre 1960, une décennie de croissance fulgurante pour la publicité, en plein essor dans la presse écrite, comme à la radio et très bientôt à la télévision. La réclame qui bat son plein avec son lot d'arguments naïfs, pour ne pas dire navrants, fait surgir des lessives farcies aux enzymes gloutons et des chips se métamorphosant en blondes à croquer...
Ces trompettes de la renommée qui s'appliquent impunément à faire croire au public que les vessies font de merveilleuses lanternes irritent les francs-tireurs d'Hara-Kiri. «La publicité nous prend pour des cons, la publicité nous rend cons», proclame le journal avec sa diplomatie légendaire. Les fougueux rédacteurs du journal, Cavanna en tête, pressentent dans la publicité la future aliénation de la société de consommation qui s'éveille : il faut abattre la bête. Et tandis que les marques s'efforcent de composer avec soin un monde idéal supposé le plus attractif possible, le bras vengeur d'Hara-Kiri invente le détournement de publicité : une mise en garde lucide et visionnaire.
Affreux, méchants et bien entendu drôles, les protagonistes de ces falsifications outrancières transgressent tous les interdits du genre publicitaire dans un maelström de provocations où l'absurde et le saugrenu rivalisent volontiers avec l'indélicat. Dans cette entreprise de destruction sauvage, les produits en prennent pour leur grade, mais c'est également les mécanismes de la publicité qui sont joyeusement éreintés, l'envahissement des marques pas seulement sur nos écrans mais sur nous-mêmes, le racisme des campagnes qui normalisent les blondes, les jeunes, les riches, le faux progrès vanté par les annonceurs. Tout ça pour rire bien entendu, mais aussi pour réfléchir un peu... Ce qui après tout est toujours bon à prendre !