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Est-il possible de développer un discours qui soit à la fois philosophique, poétique et politique à propos d'un auteur de la grandeur de Leopardi? Est-il possible de s'engager dans une lecture qui fasse de la rencontre paradoxale entre critique philologique et critique philosophique la ligne d'une interprétation politique du poète qu'est Leopardi. Tel est l'objectif poursuivi par ce livre.
Ce livre est né dans d'étranges conditions. Je commençai à relire Leopardi (un auteur de prédilection de mon adolescence) en prison. Cette lecture me contraignit ironiquement (mais pas seulement) à me confronter à une situation analogue de solitude théorique et de défaite politique. En même temps que Leopardi, je lisais le Livre de Job. Pourtant ni l'un ni l'autre de ces textes ne me poussaient vers des conclusions pessimistes vis-à-vis de la solitude et de la défaite.
Pourquoi? Le Livre de Job, cette formidable pâte mythico-théologique, était parcouru par une instance immanentiste et une perception de l'éternité qui brisaient toute détermination catastrophiste et/ou eschatologique: dans la douleur et dans la solitude, Job «voyait», et ainsi se réappropriait son Dieu. Dans le gigantesque Zibaldone où il exprimait sa pensée, ponctuellement interrompu et illuminé par de prodigieuses pièces poétiques, Leopardi construisait un discours philosophique et politique entièrement ouvert sur l'à-venir. Là où la douleur et la solitude deviennent la condition réaliste de la vie, il est possible d'ouvrir un espace d'espérance, d'inventer une désutopie active et d'entrevoir une praxis constitutive d'un monde nouveau: ainsi, Leopardi se réappropriait son Dieu. Cette lecture de Leopardi me fut utile pour résister. Mais était-elle vraie, était-elle adéquate à la réalité dans laquelle se mouvait sa poésie?
Antonio Negri