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Une vague de regrets, mêlée d'excuses et de quelques éléments de repentance, a déferlé sur la planète à partir de la fin des années 1980. Bill Clinton a exprimé ses «regrets» pour l'esclavage qui fut pratiqué aux États-Unis. En juillet 2008, le Congrès américain a adopté un texte «présentant des excuses aux Noirs américains au nom du peuple des États-Unis pour le mal qui leur a été fait» sous les lois ségrégationnistes et «pour leurs ancêtres qui ont souffert de l'esclavage». Tony Blair a, de son côté, exprimé en 2006 des «regrets» sur le rôle joué par le Royaume-Uni dans le commerce triangulaire, mais sans aller jusqu'à présenter des excuses pour la traite des Noirs. Pourtant, en 1997, le même Tony Blair demandait pardon pour la négligence des autorités britanniques face à la grande famine d'Irlande. La reine Elisabeth II avait présenté pour sa part, en 1995, des excuses officielles à la plus grande tribu Maori de Nouvelle-Zélande pour la dévastation de ses terres au xixe siècle. En Australie, un vaste mouvement de mémoire collective et de contrition s'est développé à l'égard des agissements passés des colons blancs à l'encontre des Aborigènes. Le 12 février 2008, le Premier ministre Kevin Rudd a finalement présenté les excuses officielles de son pays aux Aborigènes pour les injustices qu'ils ont subies pendant deux siècles.
La liste est longue et la France y aura aussi contribué en 1995, lorsque le Président Jacques Chirac reconnut la responsabilité de la France de Vichy dans la déportation des juifs entre 1942 et 1944.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces actes de repentance ou d'excuse ne vont pas sans difficulté. Politiquement, de façon générale, ne pas présenter des excuses paraît désormais de plus en plus inexcusable. Mais s'excuse-t-on jamais assez ? Pire : dans les cas extrêmes, les excuses ont-elles encore un sens ? Au fond, quelle est la validité morale des «excuses» institutionnelles ou collectives. Ces interrogations en entraînent d'autres : qui peut présenter de telles excuses ? Ces regrets sont-ils sincères, ces excuses sont-elles pleines et entières ? Que valent des regrets sans excuses ? L'ombre d'une intention politique de circonstance enlève-t-elle toute valeur à l'expression de regrets ou d'excuses ? Des excuses sans réparation matérielle ont-elles une valeur ? Etc. Dans le fond, la question est bien de savoir si la notion même de «réparation morale» a un sens. Si l'on considère que cette réparation vise à restaurer ou instaurer la confiance, comment un tel programme est-il réalisable dans le cas particulier des institutions ou des entités collectives ?
À partir d'analyses de cas, ce dossier, coordonné par Jacques Sémelin et Kora Andrieu, s'attache à faire le point sur cette difficile question des excuses d'État.