La calligraphie est la clé de voûte de l'œuvre exceptionnelle de François Cheng, poète et romancier (prix Femina 1998). La révélation de ces créations d'encre, jusqu'à présent entièrement inédites, constitue un événement littéraire et artistique. Magistralement commentées par l'auteur à la manière d'un chemin intérieur, elles forment un trait d'union entre la plume et le pinceau, la Chine et l'Occident. François Cheng s'affirme ainsi comme l'un des rares artistes capables, à l'exemple d'Henri Michaux, d'être reconnu dans plusieurs disciplines à la fois : il fait de sa vie une œuvre totale.
Mon père ne m'a pas légué des meubles ou des bijoux, mais des bâtons d'encre. Depuis trois ou quatre générations, ces bâtons sont un trésor de famille plus précieux que l'or. La jubilation ne vient pas de la virtuosité, mais de la pratique quotidienne de cette discipline devenue une prière intérieure. Tous les matins, je calligraphie, pour me calmer, pour chasser les restes de cauchemars et entrer dans le rythme de la vie. Je travaille dans la solitude, avec une frayeur sacrée. En ce sens, on peut parler de quête spirituelle.
Chaque jour, il faut repartir de la feuille blanche, retourner sous terre, plonger en soi. Je prends cette discipline comme une ascèse et un bonheur. Aujourd'hui, je me sens en paix, car cet album que j'achève dans la douceur de l'été, à l'entrée de l'année du serpent, reflète l'état actuel de mon être. Révélées pour la première fois, l'ensemble de ces œuvres, fruits de si longues maturations, sont une invite à partager la saveur de l'instant lorsque le vrai et le beau ont consenti à laisser leurs fugaces et indélébiles empreintes.