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«Gourville, par son esprit, son grand sens, les amis considérables qu'il s'était faits, était devenu un personnage» (Saint-Simon, Mémoires). Ou comment un simple valet charentais devient l'un des grands du Grand Siècle...
Chargé par Louis XIV d'une mission diplomatique en Allemagne, Gourville se voit offrir par le duc de Hanovre une somptueuse «machine en or» à placer sur la table afin d'en tirer du vin glacé ; quelque temps après, il la cède pour 9 000 livres à la marquise de Montespan qui en mourait d'envie : extraordinaire Gourville, il possède le don de faire fructifier tout ce qu'il approche ! Au point qu'on songea même à lui pour la succession de Colbert, comme contrôleur général des finances. Le suivre dans son ascension renvoie aux éblouissements du pouvoir et aux spéculations financières de tous les temps : en cela, il ressemble à ces «magnifiques» de la Renaissance italienne ou à ce Gatsby de l'Amérique des années folles.
Né en 1625 à La Rochefoucauld, Gourville débute comme secrétaire du duc éponyme qu'il servira toute sa vie. Devenu messager du cardinal Mazarin pendant la Fronde, puis financier de haut vol sous l'étincelant surintendant des finances Nicolas Fouquet, il amasse une fortune considérable et se voit condamné à mort par contumace, pour malversation. Bien qu'en fuite pour échapper à la justice, paradoxalement l'État utilise son talent de négociateur comme ministre plénipotentiaire en Angleterre, en Allemagne, en Hollande ou en Espagne ; puis le Grand Condé, ruiné par ses guerres, le nomme intendant de sa maison pour en restaurer le patrimoine. Blanchi personnellement par Louis XIV, il devient le conseiller de tous les grands de la cour.
Familier de Mesdames de Sévigné et de La Fayette, de Boileau, de Racine, de Louvois et de tant d'autres, amant de la célèbre Ninon de Lenclos, restaurateur du château de Saint-Maur, joueur et gastronome, ce grand aventurier de modeste extraction meurt en 1703, après avoir traversé et même dominé la société pourtant ultra hiérarchisée du XVIIe siècle. Son personnage se retrouve dans tous les mémoires de son temps, du cardinal de Retz à Saint-Simon, de même il inspire La Bruyère, et plus tard Voltaire, Sainte-Beuve ou Alexandre Dumas... Il s'agit ici de sa biographie la plus accomplie. Elle se lit comme un roman à la découverte intime du Grand Siècle. Clin d'oeil de l'histoire, Sixte de La Rochefoucauld préface cette vie retrouvée du génial serviteur de son ancêtre.