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Beaumarchais
Deux pièces, et deux pièces seulement - auxquelles il est permis d'ajouter La Mère coupable pour laquelle Péguy avouait un faible - ont suffi à faire de Beaumarchais l'auteur le plus vivant et le plus impertinent de tout notre théâtre : Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile, Le Mariage de Figaro ou la Folle Journée.
Le Barbier de Séville est une comédie très réussie. On y voit l'ébauche d'un type nouveau et inoubliable de valet, un drôle hardi, bohême et franchement insolent, autrement redoutable que Mascarille ou Arlequin : Figaro.
Plus fort, plus riche que Le Barbier de Séville, Le Mariage de Figaro est une pièce explosive. Pendant trois ans, la censure royale ajourne la présentation de cette bombe à retardement. Cette bataille d'arrière-garde ne fait qu'attiser l'impatience et accroître le prestige de la pièce interdite. « Le roi ne veut pas qu'on la joue, disait Beaumarchais, donc on la jouera. » Quand elle est enfin jouée dans un salon, devant trois cents courtisans, puis sur la scène de l'Odéon d'aujourd'hui, c'est un triomphe.
Le coup d'éclat de Beaumarchais, c'est de retourner contre lui-même, pour la première fois sans doute, le clan des privilégiés, renversé par tant d'audace et par tant de talent.
Ce qui soutient l'intrigue et la satire sociale chez Beaumarchais, c'est le style. Quel style ? Celui de la conversation, un pétillement de drôleries, un cliquetis de tirades. Le miracle de Beaumarchais et de son Figaro consiste à unir, en un mouvement éblouissant, la liberté de l'esprit et la gaieté du plaisir.
Jean d'Ormesson de l'Académie française