Corneille
Si jeune, si vif, si fier, Le Cid connaît un succès prodigieux. Du jour au lendemain, Corneille entre vivant dans la gloire.
Il s'agit, pour le public, d'admirer, et, pour l'auteur, de plaire. Ainsi monte-t-on, l'un soutenant l'autre, jusqu'aux sommets de l'héroïsme et de l'art. L'élévation du thème et des héros est doublée et accrue par un style étincelant, par un brio sans égal dont L'Illusion comique donne, la même année que Le Cid, un autre exemple éclatant.
Attaquée avec violence parce quelle mettait en scène des sentiments non plus romains ou antiques, mais chrétiens, Polyeucte est la plus belle tragédie de Corneille après Le Cid. On y trouve des vers éblouissants, parfois un peu chargés, mais toujours d'une puissance merveilleuse sur le coeur et sur l'âme.
Entre Le Cid et Polyeucte, deux chefs-d'oeuvre que tout le monde connaît, Horace et Cinna.
Après Agésilas et Attila - tragédie jouée par la troupe de Molière -, la fin de la vie de Corneille est marquée du signe fatal de sa rivalité avec Racine. Le duel, manigancé par Henriette d'Angleterre entre la Bérénice de Racine et Tite et Bérénice de Corneille, tourne à l'avantage de Racine.
Corneille reste pourtant le premier et le plus noble des grands poètes tragiques français. À sa mort, son frère Thomas le remplace à l'Académie française, et est reçu par Racine. L'auteur d'Andromaque, qui a tant fait souffrir l'auteur du Cid, prononce un éloge peut-être un peu tardif mais superbe du théâtre de Pierre Corneille.
Jean d'Ormesson de l'Académie française