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J'avais treize ans cette année-là, et j'avais faim, presque rien à manger, pas de riz, seulement du soja, de la patate douce, du blé
Ma mère faisait de son mieux, on mangeait ce qu'on trouvait
J'avais treize ans, j'étais heureuse, malgré la peur de la guerre si proche et pourtant presque irréelle
J'avais treize ans et j'étais heureuse, parmi les miens, j'étais heureuse, trop jeune pour participer au travail obligatoire, trop âgée pour être évacuée avec les enfants, trop âgée et trop jeune à la fois, treize ans, le bon âge, et malgré la guerre, peu de soucis dans la tête, la vie au lycée légère, mes amies et les jeux, et la guerre toute proche sans être vraiment présente
J'étais légère, la guerre je n'y croyais pas, à chaque fois j'avais été épargnée, la ville, ma vie, à chaque fois les avions poursuivaient leur vol, plus loin, vers Tokyo, Kyoto, Kobe, Osaka, toutes devenues des cibles, mais pas Hiroshima
Et dans mon coeur d'enfant, léger, cela devait durer toujours, cela ne pouvait pas être autrement, Hiroshima belle et intacte, préservée, aucune raison pour que ça change
Jusqu'à ce matin-là
Hiroshima, dans notre imaginaire collectif, c'est l'image d'un immense nuage blanc qui s'élève dans le ciel. Ça s'est passé il y a longtemps, et très loin de chez nous.
Pourtant, Hiroshima nous parle aussi et surtout de ce que nous sommes, de cette société dans laquelle nous vivons, des valeurs et des croyances qui la fondent.
La pièce d'Alex Lorette multiplie les points de vue et les époques. Elle mélange des monologues inspirés de témoignages réels, avec d'autres fragments qui parlent du monde occidental d'aujourd'hui... et qui pose la question de la mémoire, collective et individuelle.