Imaginer une sorte de catalogue idéal des artistes «excentriques» de notre vieil Occident, c'est feuilleter en esprit des images curieuses, passionnantes souvent, marginales presque toujours. En Chine au contraire l'Excentricité majuscule s'est débrouillée à toute époque pour tenir la dragée haute à l'art officiel. Jusqu'à incarner, aux yeux des esprits libres et de certains lettrés épris d'irrévérence, la part la plus haute de l'expression de la Beauté.
Rendant hommage à ces insoumis qui ont sévi sans discontinuer depuis mille ans et plus, François Cheng nous fait savourer, deux cent quarante pages durant, ce paradoxe riche de merveilles: en Chine, l'art des farfelus, des trublions, des fols, des mauvaises têtes n'est autre que l'Art à son sommet. On le pressentait après avoir fréquenté Zhu Da (Chu Ta) et Shitao. On était loin de penser que ces deux «exceptions» n'étaient jamais que deux excellences parmi cent autres, parmi mille autres.
Il est rare qu'un livre d'art apporte de si bonnes nouvelles.