En février 1939 plus de 500 000 républicains espagnols passent la frontière française au Perthus. Exode connu de nos jours sous le nom de La Retirada. Accueillis comme des droit commun, ils seront internés dans des camps de concentration devenus tristement célèbres, à Argelès-sur-Mer, Saint Cyprien, Port Barcarès, Agde... Simultanément, environ 20 000 antifranquistes fuyant la répression embarquent à Alicante à bord des quelques cargos anglais disponibles, dont le légendaire Stanbrook, ou de barques de pêche, pour finalement échouer sur les côtes d'Afrique du Nord. Il s'agit là d'un aspect beaucoup moins connu de cette Retirada. A partir d'Oran les réfugiés (comme leurs frères en Métropole), seront expédiés dans des camps, à Carnot, Béni Handel, Colomb-Béchar, Boghari, Boghar, Djelfa (véritable bagne où plus d'un laissera la vie dans la construction du Transsaharien qui devait relier l'Algérie à l'Afrique noire). Une fois dehors, ils feront les frais du comportement xénophobe de beaucoup de leurs homologues immigrés économiques des époques antérieures qui, devenus Français, jugeront indésirables ces exilés politiques, ces «rouges venus leur ôter le pain de la bouche». En vue de leur retour en Espagne (objectif qui tournera à l'obsession), ils restructureront rapidement et remarquablement, malgré les obstacles, leurs organisations politico-syndicales. Quand la guerre d'indépendance éclatera, le Mouvement Libertaire en exil, dont il est essentiellement question dans cet ouvrage, jugeant les enjeux des antagonistes contraires à ses aspirations, adoptera, au péril souvent de la vie de ses militants, une attitude neutre: ni pour l'Algérie française, ni pour l'Algérie algérienne. En juillet 1962 certains d'entre eux choisiront de prolonger leur exil dans l'Algérie devenue indépendante. D'autres rejoindront la Métropole. Mais tous resteront jusqu'au bout fidèles à leur idéal de justice et de liberté, pour l'avènement duquel ils avaient lutté contre Franco et ses alliés en Espagne.