Leur enfance
Au commencement, ils ont quelques heures, on m'autorise - en vérité on m'enjoint - à prendre tour à tour dans mes bras ces quelques kilos à peine de vie humaine. Ce geste est irréversible, à mi-chemin entre les impératifs de l'affection, les nécessités obscures de la survie aveugle et le symbolique, voire le juridique, de la reconnaissance. La responsabilité à l'égard de cette vie qui n'est pas la mienne est désormais entrée dans mes os et en modifie la densité, le poids, les dimensions - le corps ancien craque, qui n'est pas fait pour cette nouveauté, et c'est sans retour. Leur enfance commence et, me suis-je dit, la mienne vient de se terminer pour toujours.